Fugoa : Le monde des thés parfumés
 
Paul Valéry
Galerie Apollinaire

Paul Valéry, un penseur de notre temps

Fugoa vous présente une sélection de 3 des 7 poèmes de publiés de novembre 2007 à avril 2008 dans le cadre de l'exposition "Paul Valéry, un penseur de notre temps" à la galerie Apollinaire

 

Le Cimetière Marin
Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
O récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !

Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d’imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l’abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d’une éternelle cause,
Le Temps scintille et le Songe est savoir.

...

Comme le fruit se fond en jouissance,
Comme en délice il change son absence
Dans une bouche où sa forme se meurt,
Je hume ici ma future fumée,
Et le ciel chante à l’âme consumée
Le changement des rives en rumeur.

...

Les cris aigus des filles chatouillées,
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu !

...

Oui ! Grande mer de délires douée,
Peau de panthère et chlamyde trouée
De mille et mille idoles du soleil,
Hydre absolue, ivre de ta chair bleue
Qui te remords l’étincelle queue
Dans un tumulte au silence pareil,

Le vent se lève !... Il faut tenter de vivre !
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs !
Envolez-vous, pages tout éblouies !
Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs !

 

Paul Valéry, un penseur de notre temps

« ... désormais nous autres civilisations, nous savons que nous sommes mortelles... » Ecrites au lendemain de la première guerre mondiale, ces paroles seront comme une prophétie pour les années qui allaient suivre... Certains lecteurs auront reconnu leur auteur : Paul Valéry. (la crise de l’esprit – 1919).

Il est né à Sète en 1871 d’un père corse et d’une mère italienne. Les Valéry sont originaires de Bastia. Ils furent marins. Le plus illustre d’entre eux, Vittorio, était au côté de Cervantès à la bataille de Lépante le 7 octobre 1571. Fanni Grassi, sa mère, est d’origine vénitienne.

Paul, pas assez matheux, devra renoncer au concours d’entrée à l’Ecole Navale. Il fera du droit, mais déjà tâte la muse poétique. Le symbolisme l’attire. La lecture "d’A rebours" de Huysmans lui a fait connaître Mallarmé. C’est son ami Pierre Louÿs qui les mettra en relation, relation qui s’étendra aussi à Hérédia et Gide. Il semblerait que sa vocation poétique soit alors irrévocable lorsqu’en 1892, par une nuit d’orage, à Gênes dans la famille de sa mère, il rejette tout ce qui peut être perturbation sentimentale ou divertissement artistique, au sens pascalien du terme.

Adoptant alors une vie quasiment monastique, sur un tableau noir de sa chambre il retrouve les mathématiques. Excellent exercice de l’intelligence conceptuelle dira-t-il. Ce sera une période, où délaissant la poésie, très tôt le matin, il rédigera les deux cent cinquante-sept Cahiers.

En 1900 il entrera à l’agence Havas. Secrétaire particulier d’un administrateur il a un poste d’observateur pour suivre la politique mondiale, et les grands mouvements financiers. Il se mariera la même année avec Jeannie Gobillard nièce de l’épouse du peintre Manet.

Cependant André Gide et Gaston Gallimard allaient réveiller le poète qui sommeillait en lui, en lui demandant de publier ses œuvres de jeunesse. Il fit mieux. Pour étoffer le recueil de poèmes il allait composer « La Jeune Parque » dont l’accueil fut immense.

Puis vers 1922 Paul Valéry, sous le titre de Charmes, regroupera les poèmes écrits depuis la Jeune Parque.

C’est à cette époque que Paul Valéry sera élu : plus grand des poètes de son temps.

Il mourut, couvert de gloire en 1945 et selon sa volonté il repose à Sète au Cimetière Marin.

Claude Bernard

 

Les grenades Fragments du Narcisse
Dures grenades entr’ouvertes
Cédant à l’excès de vos grains,
Je crois voir des fronts souverains
Eclatés de leurs découvertes !

Si les soleils par vous subis,
O grenades entre-bâillées
Vous ont fait d’orgueil travaillées
Craquer les cloisons de rubis

Et que si l’or sec de l’écorce
A la demande d’une force
Crève en gemmes rouges de jus,

Cette lumineuse rupture
Fait rêver une âme que j’eus
De sa secrète architecture.
...

Te voici, mon doux corps de lune et de rosée,
O forme obéissante à mes vœux opposée !
Qu’ils sont beaux, de mes bras les dons vastes et vains !
Mes lentes mains, dans l’or adorable se lassent
D’appeler ce captif que les feuilles enlacent ;
Mon cœur jette aux échos l’éclat des noms divins !...
Mais que ta bouche est belle en ce muet blasphème !
O semblable !... Et pourtant plus parfait que moi-même,
Ephémère immortel, si clair devant mes yeux,
Pâles membres de perle, et ces cheveux soyeux,
Faut-il qu’à peine aimés, l’ombre les obscurcisse,
Et que la nuit déjà nous divise, ô Narcisse,
Et glisse entre nous deux le fer qui coupe un fruit !
Qu’as-tu ?
Ma plainte même est funeste ?...
Le bruit
Du souffle que j’enseigne à tes lèvres, mon double,
Sur la limpide lame a fait courir un trouble !
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